Les feuilles mortes

Les feuilles mortes

Yves Montand

Cette superbe chanson, que chantait souvent mon grand-père, me rend fou. Je vais expliquer pourquoi.

Il est fait référence dans la partie “parlée” du début à la chanson qu'une femme chantait, jadis, au narrateur. Celui-ci semble alors en reprendre les paroles (“Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, tu vois je n'ai pas oublié”, “Dans la nuit froide de l'oubli, tu vois, je n'ai pas oublié la chanson que tu me chantais”, etc.). Ce “je n'ai pas oublié” semble évoquer les paroles de l'ancienne chanson. Comme l'indique encore la 1ère strophe “chantée”, cette chanson, “Les feuilles mortes”, parle donc… d'une autre chanson. Une chanson “qui nous ressemble”, que lui chantait sa belle aux “jours heureux”.

Or, quelques années plus tard, Gainsbourg écrit une autre chanson, “La chanson de Prévert”, où il fait référence… à une chanson, une chanson qui “était la tienne”, qui est “de Prévert et Kosma”, bref, il fait référence à la chanson “Les feuilles mortes”. Et il reprend l'idée d'une femme qui chantait jadis une chanson que le narrateur n'a pas oubliée, de souvenirs qui remontent, en ajoutant la comparaison avec d'autres (femmes), dont la chanson est “monotone”.

En bref, Gainsbourg écrit une chanson (“La chanson de Prévert”) qui fait référence à une chanson (“Les feuilles mortes”), de Prévert donc, chantée par Montand, qui elle-même fait référence à une chanson, celle que chantait une femme “aux jours heureux” où “la vie était plus belle”. Cette troisième chanson, nous n'en savons rien, ou si peu. Dans cet enchâssement de chansons se référant à d'autres chansons, qui saura dire de quoi était faite la chanson “qui nous ressemble” ? Tant de chansons ici, et pourtant celle qui est à l'origine de l'enchâssement est perdue, n'existe plus qu'à l'état d'évocation. Et c'est ça qui me rend fou.